Rencontres Paul Ricœur – L’expérience de l’injustice

Rencontres Paul Ricœur – L’expérience de l’injustice

Les Rencontres Paul Ricœur mettent la philosophie au cœur de la cité. Organisées tous les deux ans par l’Université de Rennes et Les Champs Libres, elles sont un temps de réflexion pluridisciplinaire autour d’un thème inspiré par l’œuvre du penseur et appliqué aux grands problèmes du monde contemporain.
Cette année, les rencontres Paul Ricœur se dérouleront les 21 et 22 novembre aux Champs Libres.

 

 

PROGRAMME – L’expérience de l’injustice

 

Peut-être est-ce par l’expérience de l’injustice que nous entrons dans le problème de la justice. L’indignation est alors, face à ce que nous ressentons comme injuste, la première expression de notre sens de la justice. Mais l’indignation a ses limites.

Paul Ricœur

Jeudi 21 novembre (après-midi)

 

14h :                Introduction : Le mal d’injustice, par Jérôme Porée (philosophe, Université de Rennes)

 

SUBIR L’INJUSTICE (la pauvreté, la servitude et l’humiliation)

14h30 :            Vivre pauvre, par Laurence Fontaine (historienne, CNRS) et Élise Huillery (économiste, Université Paris-Dauphine)

L’une est historienne, l’autre économiste. La première a étudié la pauvreté dans l’Europe des Lumières, où elle apparaît à la fois comme une question sociale, un problème moral et un enjeu politique ; elle s’est intéressée autant aux histoires de vie des pauvres qu’aux mesures imaginées à leur endroit par les élites ; elle a montré enfin les similitudes entre certaines de ces mesures et celles qui inspirent aujourd’hui les politiques publiques. La seconde s’est spécialisée dans l’étude de ces politiques, notamment dans le domaine scolaire, où elles appellent cependant une approche critique ; car, si l’école est parfois un moyen d’échapper à la pauvreté, elle est plus souvent ce qui la perpétue ; aussi contribue-t-elle à l’injustice dont sont victimes ceux de ses enfants qui ne trouvent en elle ni la culture ni la confiance qui leur permettraient de transformer leur destin en liberté. Comment sortir de la pauvreté ? Telle sera donc la question qui orientera leur dialogue, convaincues qu’elles sont l’une et l’autre que celle-ci n’est pas une fatalité.

16h30 :            Injustices sociales, injustices écologiques, par Philippe Boursier (professeur de sciences économiques et sociales, Rennes)

Dans le monde humain, domination sociale et inégalités écologiques apparaissent partout enchevêtrées. Les groupes sociaux les moins responsables des destructions environnementales sont les plus exposés aux pollutions, à la privation de l’accès aux ressources vitales et à l’exil. Il faut cependant penser aussi les injustices socio-écologiques au-delà de la seule sphère humaine et considérer pour cela les liens entre humains et non-humains. C’est ce qui rend nécessaire le dialogue entre les sciences sociales et les sciences du vivant. Ce dialogue ne met pas seulement au jour la diversité des formes d’injustice, il promeut encore de nouvelles formes de justice. 

 

17h30 :            L’humiliation, poison de l’injustice, par Olivier Abel (philosophe, Université de Montpellier)

L’humiliation est le coeur sombre de nos sociétés, dont elle aggrave la violence et l’injustice. Nous le voyons dans nos vies ordinaires autant que dans nos institutions communes. D’une part, elle ruine la confiance et l’estime de soi ; d’autre part, elle génère le ressentiment et dévaste durablement les circuits de la reconnaissance. Il nous faut, certes, tenter de faire une société plus juste. Mais ne serait-ce pas d’abord faire une société moins humiliante ?

 

Vendredi 22 novembre (matin)

 

COMBATTRE L’INJUSTICE (les ressources du droit et de la politique)

9h :                  Partir de l’injustice, par Emmanuel Renault (philosophe, Université Paris-Nanterre)

Pourquoi accorder un privilège à l’expérience de l’injustice dans la réflexion philosophique sur la justice ? Une telle démarche s’expose à deux objections. La première est que toutes les injustices ne s’accompagnent pas d’un sentiment d’injustice, un tel sentiment pouvant d’ailleurs, à l’inverse, être suscité par des actions ou des institutions justes. La seconde est que toute expérience de l’injustice présuppose une certaine conception de la justice. Mais cette expérience nous permet de prendre conscience des limites des définitions généralement admises de la justice et nous invite à les reformuler. C’est le cas exemplairement de l’expérience de l’injustice au travail, qui pourra être placée pour ce motif au centre de la réflexion.

 

10h :                La victime au coeur de la justice, par Antoine Garapon (magistrat honoraire, président de la Commission Reconnaissance et Réparation)

Les nouvelles formes de justice – restaurative comme transitionnelle – ont cette particularité commune de mettre la victime au centre, et non plus l’accusé comme le fait la justice pénale. Un tel déplacement du centre de gravité de la justice entraîne des conséquences immenses que la pensée de Paul Ricœur nous aide à comprendre… et à approuver.

 

11h30 :            Réparer les injustices de l’histoire, par Magali Bessone (philosophe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Les théories de la justice qui ont été au coeur des débats philosophiques à la fin du 20e siècle sont âprement critiquées pour leur caractère abstrait, tellement détaché des conditions réelles de nos sociétés qu’elles apparaissent inutiles, voire contre-productives, pour qui y chercherait une feuille de route afin de lutter contre les inégalités et les effets de domination. Mais la justice réparatrice, qui se préoccupe de répondre aux injustices du passé, notamment du passé colonial et esclavagiste des sociétés libérales contemporaines, répond de manière convaincante aujourd’hui à cette critique.

 

Vendredi 22 novembre (après-midi)

 

FACE À L’IRRÉPARABLE (les ressources de l’art)

14h :                Poétique de l’indignation, par Gilbert Vincent (philosophe, Université de Strasbourg)

Paul Ricœur a souligné le rôle de l’indignation dans la genèse du sentiment éthique chez le jeune enfant. Mais il a également rappelé que l’indignation a des limites – ainsi lorsque l’indigné s’enferme dans sa plainte ou quand, plus gravement, il s’abandonne à la haine et au ressentiment. Dans un cas, seule l’indignation pour autrui pourrait valoir comme une délivrance. Dans l’autre, le remède se trouve peut-être dans la culture d’un sentiment singulier : l’admiration. En témoignent les écrits de Gabriel Gauny et Rosa Luxemburg, tous deux victimes de l’injustice et du tragique de l’histoire. Ils sont une contribution insigne à une poétique de l’indignation.

 

15h30 :            L’art peut-il, doit-il réparer ? par Danièle Cohn (philosophe, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Jacques-Oliver Bégot (philosophe, Université de Rennes)

Créer de nouvelles formes sensibles qui rendent compte de l’irréparable : telle est sans doute la responsabilité qu’impose aux artistes le temps qui est le nôtre, celui de l’« après Auschwitz ». Est-ce à dire que la justesse artistique et l’expérience qu’elle nous ouvre ne sauraient plus désormais être pensées dans l’horizon d’une force réconciliatrice, ou au moins consolatrice ? Pour affronter cette question, il faut revenir sur la question de la pitié, du souffrir ensemble et de la compassion, qui a constitué à la fois un registre central de l’expérience esthétique depuis les Lumières et une réponse cruciale à l’expérience de l’injustice.

 

17h :                Le pas d’Isis, création théâtrale

D’après Le pas d’Isis de Jeanne Benameur

Mise en scène : Massimo Dean

Création musicale : Laetitia Shériff

Coordination et production : Céline Bouteloup et Fabrice Bouvais

Avec la troupe du Poulpe : Asma H., Emma, Emmanuelle Le Bigot, Jérôme J., Katy B., Marc Sparfel, Marie Saby, Tam-Ara, Myriam

www.kali-co.fr

Dans une longue marche vers un demain, chacun pose un geste qui dit « Je suis là, j’existe ». Ce sont un poing brandi, une paume de main collée à une bouche, deux bras qui enlacent une poitrine… Ils sont là, dans leur présence absolue. Ils montrent que la vie résiste, que l’oppression, la misère et l’injustice ne les empêcheront pas d’avancer, que la douceur peut l’emporter sur la violence du monde.



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